Publié le 27 décembre 2013 à 05h00 | Mis à jour à 05h00
L'hiver chrétien
Le jour même de Noël, quatre explosions ont secoué un quartier chrétien de Bagdad pendant et immédiatement après une messe célébrée à l'église catholique chaldéenne Saint-Jean. La plus violente a tué des hommes, femmes et enfants qui sortaient du lieu de culte ainsi que des policiers chargés de les protéger. Au total, au moins 40 personnes sont mortes et une soixantaine ont été blessées.
Bien sûr, les tueries de masse sont devenues presque banales en Irak, qui aura connu en 2013 les pires violences depuis 2008.
Au cours des 12 derniers mois, au moins 6700 personnes ont été tuées, en effet. Ce sont dans la plupart des cas des victimes du conflit entre chiites et sunnites auquel participent les groupes extrémistes liés à Al-Qaïda.
Cependant, les chrétiens aussi sont touchés. Rappelons le carnage à la Cathédrale Notre-Dame du Sacré-Coeur de Bagdad, en 2010, qui avait coûté la vie à une cinquantaine de fidèles. Depuis ce temps en particulier, les chrétiens désertent l'Irak. Ils ne seraient plus qu'environ 300 000 aujourd'hui, quatre ou cinq fois moins que sous Saddam Hussein - et il est difficile de prétendre que ceux qui fuient souffrent d'islamophobie.
Mais où se réfugier?
Le territoire irakien est presque entièrement cerné par l'Iran, la Syrie et l'Arabie saoudite, qui comptent parmi les plus dangereusement hostiles à la chrétienté. Et des douze contrées où la foi chrétienne est la plus persécutée, onze sont officiellement musulmanes ou assaillies par l'islamisme radical (l'exception étant la Corée du Nord), selon l'ONG Portes ouvertes.
L'organisme craint qu'au Printemps arabe, ait succédé un «hiver chrétien».
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Face à cela, il ne se trouve à peu près personne en Occident pour dénoncer la christianophobie. De sorte que celle-ci opprime et tue dans un silence d'autant plus assourdissant que «les chrétiens ne font pas partie d'un clan pouvant les défendre et ne sont pas susceptibles de réagir violemment», constate encore Portes ouvertes en donnant l'Irak en exemple.
De fait, ce silence prévaut même dans le cas des pires exactions.
Sait-on suffisamment que 75% des persécutions religieuses dans le monde sont dirigées contre des chrétiens? A-t-on beaucoup déploré le massacre de 1000 villageois chrétiens survenu il y a à peine quelques jours en Centrafrique? Ou, deux mois plus tôt, l'attentat commis par deux kamikazes aux portes d'une église pakistanaise et qui a fait 80 morts? Ou le tri entre musulmans et non-musulmans destinés à mourir lors de l'attentat sur un site gazier algérien, ou les dizaines de coptes tués en Égypte, ou le meurtre à la machette de 500 chrétiens nigérians, ou...
Dans un monde idéal, aucun dieu n'aurait le moindre pouvoir terrestre permettant qu'on tue en son nom. Mais nous ne vivons pas dans un monde idéal. Et les dieux les plus vengeurs semblent avoir encore l'éternité devant eux.
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